Le film d'Henri Decoin fait partie de ces vieilles connaissances que
l'on visite sans déplaisir. Souvenez-vous: Gabin, caïd auréolé de son expérience américaine, débarque à Paris pour «auditer» une filière de drogue qui ne marche pas fort. C'est quasiment Andersen Consulting au pays de la chnouf. Eh, les gars, faudrait voir à me remonter cette productivité dans l'héroïne. Et l'opium, ça marche comment? Mais Gabin se révélera être un flic, et son «étude» n'avait d'autre but que de remonter le réseau jusque dans ses ultimes ramifications. Les dialogues d'Auguste Le Breton jouent le réalisme. Gabin n'est pas encore trop gabinant. Cela donne un film étrangement documentaire, qui échappe au stéréotype «polar du dimanche soir» bien qu'il ait beaucoup sévi dans cette case et que la brochette de seconds rôles, de Lino Ventura à Paul Frankeur, ait la gueule de l'emploi.
Cependant, sous couvert de plonger son spectateur dans l'univers de la drogue «comme de vrai», Razzia sur la chnouf se lance paradoxalement dans une sorte de croisade morale qui accumule les clichés et les amalgames. D'ailleurs, plus le temps passe, plus elle devient insupportable. Dès avant le générique, un «carton» nous prévient que ce que l'on va voir n'est pas joli-joli, car la drogue est un monde terrible. De fait, on verra que le dealer est un être suant, mal dans sa peau, souvent homosexuel. Le drogué est une pauvre raclure. Le «chimiste», au visage rongé par les acides, vit terré comme un rat. Ce monde interl