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Libération

Après coup. Les mots.

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publié le 23 février 2000 à 22h39

Au début de Jour après Jour, lundi sur France 2, Michel est, comme

les trois autres sujets de l'émission, entièrement illettré. C'est un jeune palefrenier au chômage, aux yeux clairs et aux cheveux en brosse, que les caméras de Delarue suivent partout dans Marseille. On le filme en train de caresser des chevaux comme un rêve, comme des mots sauvages. On le filme au supermarché; il y choisit les produits selon les images et se trompe. Il prend une bombe et dit: «Ça, c'est un produit contre les taches!» La caméra zoome dessus: c'est un antiacariens. On le filme surtout chez lui, où il passe ses journées dans une solitude totale, livré à son terrible et honteux handicap. Il essaie de déchiffrer un Oui-Oui, mais abandonne. Une heure et demie et quelques mois plus tard, il est sur le plateau et sait presque lire. Mais il continue, lorsqu'il parle, à buter sur les mots, à les prendre l'un pour l'autre, à se les mettre en bouche comme des patates chaudes. Par exemple, il admire Claudine, qui a appris à lire à 40 ans, tout en élevant ses deux enfants et en travaillant comme maître d'hôtel. «Ce qu'elle fait, c'est bien, dit-il. C'est un travail qui demande beaucoup de" minutieuseté!» Il hésite, sourit: «Bon, côté langage, je suis pas trop ça"» «Minutie, corrige Delarue, vous n'étiez pas loin!» Mais l'écrivain-scénariste Didier Van Cauwelaert intervient: «Vous venez de créer un mot très beau: minutieuseté! C'est pas la même chose que minutie! Faut pas le perdre, ça, vous avez"» Tout éc