On enrage toujours d'être déçu par un film qu'on voulait aimer.
Quand sort Baton Rouge, en décembre 1985, on s'était préparés au pire, du côté de chez nous, depuis déjà dix ans au pire en ce qui concerne ces films qui avaient encore l'impertinence ou l'inconscience de se faire, et d'attendre d'un distributeur qu'il les sorte du lot. Celui-là, pourtant, le premier d'un jeunot de 30 ans, Rachid Bouchareb, formé à la technique cinéma par le court métrage et surtout par la télé, bonne école, on avait pourtant envie de l'aimer. On a oublié exactement pourquoi, mais on s'était juré de l'aimer. L'histoire, peut-être? Quelques adolescents ordinaires des années 80, trois copains, trois mecs de la zone (on ne disait même pas la «banlieue», en ce temps-là), dégoûtés de leurs petits boulots mal payés et anonymes, décident de partir pour le pays imaginaire par excellence l'Amérique. Vite, vite, n'importe comment, mais vite. Ils choisissent, vite, vite, encore plus vite, presque au pif, la ville dont le nom les fait le plus rêver. La carte n'étant pas le territoire, comme disait l'autre, Baton Rouge, la ville au nom à la fois exotique et familier qu'ils se sont choisie comme oasis, ne correspond que de loin (c'est précisément le sujet du film) à leur espérance et à leur attente.
Sitôt les billets d'avion en poche (billets volés, avec une belle audace teenage), ça se gâte. Ce qui, cinématographiquement parlant, n'était que trop joliment américain, par exemple cette manière de se défonce