Menu
Libération

Après coup. La lapidation.

Article réservé aux abonnés
publié le 28 février 2000 à 22h34

A quoi pense-t-il dans sa Mercedes blindée, Lionel Jospin ? A quoi

pense-t-il tandis que des Palestiniens non identifiés lapident samedi, sous nos yeux effarés et fascinés, son véhicule bloqué devant l'université Bir Zeit ? Craint-il que cette image reste en nous pour toujours ? Que les caillasses de Ramallah lui collent désormais à la peau comme à celle d'un mauvais diplomate plutôt que d'une victime ? Craint-il qu'on n'oublie plus son sourire figé, sa raideur bien composée, sous les premiers jets ? Cette mallette de protection déployée par un garde du corps et la difficile entrée dans le véhicule de fonction ? Pleure-t-il sur son cuir épais, chevelu, endommagé ? Sur ce mot peut-être vrai, mais de trop, «terroriste», qu'il a dit pour qualifier le Hezbollah ? Comprend-il qu'ici, au Proche-Orient, toute parole est du sodium jeté sur l'eau ? Se dit-il, cet homme si sûr d'avoir raison : «Mais putain, qu'est-ce qui m'a pris ?» Doute-t-il, pour une fois ? Prend-il conscience que son verbe s'est fait pierre, qu'il a sous-estimé la révolte et la conscience des Palestiniens ? A-t-il peur ? Songe-t-il à sa femme, à ses enfants, à sa carrosserie politique inopinément cabossée, ou simplement à ces projectiles qui rebondissent sur le pare-brise fumé et l'étoilent comme un ciel bas et lourd ? Une chose est sûre : comme nous qui regardons de loin les images de ce qu'il subit, Jospin doit trouver le temps long. Deux, trois minutes. Une éternité. Le ministre livré aux Jacques en son carross