Vous ignorez comment empoigner à coup sûr votre passeport pour le
paradis à la fin de votre petite vie dans cette vallée de larmes? Regardez l'hallucinant portrait de James Ellroy par Benoît Cohen et François Guérif. Ellroy en est, avec sa femme pour quelques minutes, le seul acteur. Donc, le paradis. Il n'est pas sur terre, évidemment. Encore moins à Los Angeles, la ville du crime et du cinéma. Des femmes. C'est dans une rue de L.A. qu'Ellroy cause à nous autres, Français, qui avons, plus ou moins avoué, un sale rêve américain dans le crâne. Jambes écartées, milieu de la route, il tape sur les mots. Comme quand il écrit. Tout de suite, sa mère, retrouvée assassinée le 22 juin 1958. Son fils a 10 ans. Il mettra trente-cinq ans et neuf mois à rejoindre cette rouquine qui, en mourant, lui a offert une vie d'obsessions. Avant, il y aura eu L.A. avec son père, les films, les bouquins noirs avalés, la came, l'alcool, les masturbations compulsives, la mort frôlée en 1975. Jusqu'à un boulot de caddie dans un golf. Son premier livre, Brown's Requiem. «J'ai su tout de suite que j'étais bon et que je ne m'arrêterais jamais.» Forcément: commence un de ces voyages sans fin vers un fantôme. Ensuite, Clandestin, première tentative de croiser sa mère, puis, le Dahlia noir, l'histoire de Elizabeth Short, au corps violé et coupé en deux. La dédicace est claire: «A Geneva Hillicker Ellroy, 1915-1958, 29 ans plus tard, ces pages d'adieu aux lettres de sang.» Claire en apparence. Le fantôme,