«Toute sa vie jusqu'au bout/Rester jeune et fou»: voilà ce que
chante et pense, et rechante Serge Reggiani dans son dernier album paru avant les célébrations du millénium. A soixante-dix-sept ans, passés, ayant pour la dernière fois, dit il, annulé un récital d'octobre, il boucla donc le siècle, et sa carrière, avec un album dont le titre «Les adieux différés» est aussi celui d'une chanson de héros de mille et un films et de coloriste renonçant désormais au trac des galas en scène, pour songer aux nuages, ou à ses vieux amis disparus, Vian, Prévert et son adorée Simone Signoret, la Casque d'or pour qui il fut Manda. Et Manda il restera ad vitam, aussi longtemps que vivra le film de Jacques Becker. Tout comme il perdurera sous les traits et l'uniforme du soldat selon Max Ophüls, dans la Ronde. Reggiani l'acteur cher aussi à Visconti, à Cocteau. Reggiani qui affirma qu'il suffisait «de presque rien», et susurra la douceur de Madame Nostalgie, et murmura Le Petit Garçon et" sa liberté, que longtemps il avait cherchée. Reggiani qui débuta en première partie de Barbara. Elle le faisait fondre, ou lui donnait la chair de poule. Reggiani le fils de petit coiffeur italien, un des immigrés du Belleville d'avant guerre. Paris sera toujours Paris. Picasso aussi à la même époque était un réfugié, d'Espagne: il lui offrit son amitié. Ce type là qui chaque matin continue dans sa salle de bains à faire des vocalises, à entretenir sa voix, à la nourrir de nouvelles paroles sur des notes que