Brigitte Roüan s'est fait remarquer en 1997 avec Post-coïtum animal
triste. Moins connu, son premier film (1990) vibrait déjà de l'onde de choc d'un autre coïtus, interruptus celui-là: la disparition en mer d'un officier de marine, qu'une dédicace («à ma mère"») et l'évocation discrète d'un sous-marin réel (le 23-26, perdu corps et âme après-guerre) intronise comme père de la cinéaste, ne laissant planer aucun doute sur la dimension autobiographique du projet. Très ambitieux, Outremer est à la fois un linceul d'images offert au corps du porté disparu (pas de deuil possible sans enterrement) et une tentative de ramener des fantômes à la vie, grâce à un mode de narration qui jongle avec l'ordre chronologique, ressuscitant ainsi à l'image des personnages dont on avait appris la mort quelques plans plus tôt, ou se permettant de visiter certaines scènes clés plusieurs fois pour varier les angles de compréhension et assassiner plus sûrement les apparences. Trois soeurs, donc un récit choral, dans l'Algérie pied-noir, soit la violence d'une époque où corps et esprits étaient soumis à des instincts de survie et à des idéologies féroces, au sein d'une famille confrontée à la perte des siens. Le portrait que Roüan dresse du milieu dont elle est issue est exemplaire de sa manière de procéder, entre légende et démystification. Pénélope en puissance, l'aînée des soeurs cultive une forme d'amour très particulière pour l'homme «toujours en mer», où l'idolâtrie (l'uniforme garantit l'être d'