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Libération

Après coup. La montagne magique.

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publié le 22 mars 2000 à 23h24

Donc, Karol Wojtyla se tient (encore) debout, lundi, sur le mont

Nébo. Ce pape a été un grand distributeur d'images plus ou moins saintes, mais toutes ont été symboliques, et celle-ci ne fait pas exception. Il l'a voulue, anticipée, méditée, préparée, prééternisée. Elle le prend, l'isole, l'élève, le met en papier bible et crépon noir. Voûté comme l'arche d'une église préromane, Wojtyla fixe sans parler la Terre promise, là-bas, sous le ciel bleu, au-delà de la mer Morte. Profonde méditation et cadre parfait. Le profil du vieux, immobile, en blanc. Pas un homme, pas un insecte dans le champ. Un bout d'arbre dans un coin. Et à gauche, pendant au bord de l'écran, le pistil noir d'un micro enregistrant le silence dans les rangs. Le monde, via la télé, retient son souffle pendant que le pape refait la geste de Moïse, se contemple comme Narcisse dans la fontaine biblique. Le prophète vint ici, avant la mort, pour contempler une dernière fois la terre d'Israël. Depuis, le lieu est dans tous les guides. Point de vue idéal, site classé, étoiles multiples, «vaut le déplacement», crépuscules fous et prises de vue vivement conseillées. Nébo est l'ami du pèlerin, du routard, du vieux touriste en short, de sa caméra vidéo, de son appareil photo sur le bide, du rabbin et, désormais, du pape. L'a-t-il voulu, ce voyage. Le mont Nébo est un peu sa montagne magique, son bout du chemin avant Jérusalem. La vieillesse, la maladie, le corps de souche de l'héritier de saint Pierre, tout cela ne fai