«Faut que ça marche. C'est pas possible. Faut que tu marches, faut
que tu marches.» Une femme au bord de la route, à bout de nerfs, en train de supplier sa voiture en panne. Dominique Blanc dans la Voleuse de Saint-Lubin, de Claire Devers, certainement le film le plus abouti de la collection Gauche/Droite d'Arte. Un film sur la lourdeur du monde. Une mère de deux enfants, qui n'arrive plus à s'en sortir financièrement, soudain vole de la viande, des kilos de viande. Pétage de plomb, appel au secours, ras-le-bol des pâtes, soupape à une tension insupportable, expression d'une révolte vitale qui rattache au monde des vivants. S'inspirant très librement d'un fait divers, Devers fait basculer sa chronique ordinaire dans l'enceinte judiciaire où se dit la règle commune. Mais Françoise Barnier n'est pas une cliente banale, ce n'est pas une délinquante, c'est une femme «honnête». Si les braves gens de la brave normalité se mettent à déconner, l'ordre établi montre ses griffes. Devers filme un jeu de chat et de souris entre une juge «de gauche» et des magistrats «de droite» et affirme que la distinction demeure opérante. Il y a ceux qui défendent l'état des choses tel qu'il est et ceux qui veulent le changer, deux visions, deux «sentis» du monde (qui d'ailleurs ne se résument pas, ce serait trop simple, à une simple défense d'intérêts de classe), la politique au seuil de la philosophie. La réalité est une construction politique, a dit Robert Kramer, ce qu'on en montre aussi. Quell