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Libération
Critique

A bout de souffle. Ciné Classics, 22 h 20.

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publié le 27 mars 2000 à 23h16

De ce film là, Godard ne s'est jamais remis. Se remet-on d'une

maladie mortelle? Le cinéma français était dans un sale état quand ce jeune homme désinvolte, écrivain de droite au profil sollersien préférant s'exprimer au cinéma parce que la concurrence y était évidemment moins grande, s'injecta lui-même un virus dont il ne soupçonnait pas la force. Ne pas oublier que devenir cinéaste avait à peine plus d'attraits, alors, que s'essayer à la critique de cinéma. On a sans doute sous-estimé l'importance du manque d'inspiration chez le jeune Godard. Devenir écrivain, oui, mais écrire quoi? Tout a déjà été fait, n'est-ce pas? Ne pas considérer les emprunts littéraires du jeune cinéaste comme une manière de cut-up burroughsien. Y voir plutôt quelque chose comme un gigantesque aveu d'impuissance qui se distinguerait de l'impuissance créatrice de tant d'autres de ses jeunes contemporains par cet art de l'aveu, précisément: une manière d'élégance distraite, un art de l'obscénité légère, l'invention prémonitoire du traitement de texte et de la feuille de style. Godard était bien ce dandy mal rasé qui adorait poser en artiste, pressentant avec des années d'avance que la création peut aussi s'envisager comme un sinistre défilé de mode warholien.

On parlait de maladie. Le génie du jeune Godard, c'est qu'il se sait d'emblée condamné. Il accepte du coup de poser en artiste, qu'est-ce qu'il a à perdre? Il ne sait pas qu'il invente pour quelques dizaines d'années une attitude dont l'arrogance