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Libération
Critique

L'ENA en piteux Etat. Un an avec les «techniciens d'élite» de la République. «L'Ena: miroir d'une nation», Arte, 22h10.

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publié le 7 avril 2000 à 0h14

Il faut immédiatement rebaptiser ce film de son vrai titre: «L'Ena,

mouroir d'une nation». Le portrait tracé ici par Gérald Caillat et Pierre Legendre relève en effet beaucoup plus de la dissection ante mortem que de la palpation polie du corps d'élite le plus prestigieux de la République. A la façon de Resnais et Laborit dans Mon oncle d'Amérique, Caillat et Legendre juxtaposent avec audace un commentaire monocorde fulgurant (écrit et dit par Legendre) et le suivi en images, un peu partout en France et ailleurs, d'une poignée d'élèves de la promotion Cyrano de Bergerac. L'attelage ainsi formé met un peu temps à décoller, comme s'il était chloroformé par son propre sujet, mais dessine peu à peu une petite anthropologie audiovisuelle du pouvoir assez apocalyptique. «L'administration est une fiction animée ["], un montage qui doit se mettre en scène pour fonctionner», explique Pierre Legendre au début de son commentaire, comme pour dire façon La Fontaine «nous l'allons montrer tout à l'heure». De son côté Caillat filme à l'oeuvre ce laboratoire de formatage du discours, ce «consortium des techniciens d'élite au service de l'Etat majuscule» (Legendre). Tour de force du filmage: n'avoir pas cherché l'incident, le flagrant délit d'arrogance administrative ou l'explosion de crâne d'oeuf en direct. La caméra filme simplement (à l'école ou en stage) des jeunes gens un peu coincés, surencadrés par leurs maîtres, qui jouent le jeu ritualisé et rassis d'une administration chargée surto