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Libération
Critique

Maurice. FR3, 23h30.

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publié le 7 avril 2000 à 0h14

James Ivory est un cas. Américain exilé en Europe, il fabrique à la

chaîne avec un producteur indien qui s'essaye aussi à la mise en scène, Ismail Merchant, de grandes fresques historiques et nostalgiques qui font de lui une sorte d'héritier direct de David Lean. Mais il a certaines qualités (économie narrative, enthousiasme romanesque, amour de la beauté perdue) qui rendent son cinéma plus attachant que celui de David Lean. Navigant toujours aux frontières de l'académisme, il n'hésite jamais à se coltiner les chefs-d'oeuvre de la littérature anglo-saxonne, à commencer par les romans d'Henry James. Mais c'est sans doute avec ses adaptations d'E.M. Forster qu'Ivory nous piège le mieux. Maurice, en particulier, repose sur des données émotionnelles qui n'ont que peu de choses à voir avec «le cinéma» et beaucoup à voir avec l'amour. De ce film-là, on pourrait en effet dire exactement le contraire de ce que Patrice Chéreau claironnait à Cannes à propos de son Homme blessé, à savoir qu'il ne fallait surtout pas à y chercher une histoire d'amour entre hommes puisque hommes et femmes, c'est bien connu, c'est pareil.

Chéreau a peut-être raison, après tout. Ce qu'Ivory s'attache à filmer dans Maurice, c'est pourtant exactement le contraire. C'est ce qui court d'un homme à un autre homme, quelque chose qui était à la fois honteux et exaltant, en marge d'une société qui punissait les pratiques homosexuelles comme autant de crimes. Retrouver ce mélange de terreur et d'exaltation qui fait