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Libération

Après coup. Les empailletés.

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publié le 20 avril 2000 à 23h57

«Tiens? Les morts sont vivants!» Régulièrement, la télévision de

grande audience (mardi, sur France 2, Mireille Dumas) fait l'étonnée en visitant, avec une lampe à pétrole, les catacombes de ses célébrités perdues: cette nuit-là, entre autres, Jean-Luc Lahaye, le défunt crooner du pauvre, made in assistance publique, ou Charlotte Julian, la chanteuse provinciale champêtre qui peint entre deux galas. Dans ces cas-là, le gros média fait mine de s'étonner, de compatir, de comprendre leur survie loin de l'écran. Il les déterre littéralement, et filme exactement ce qu'on lit dans le dernier et magnifique roman de Miguel Delibes, l'Hérétique (Verdier): le cadavre d'un paysan castillan, quatre ans après sa mort, «intact au fond de la tombe, le poil gris et le corps nu, non décomposé, le pénis en érection et les yeux ouverts, injectés de terre.» Les artistes oubliés sont là, eux aussi, intacts au fond de leur tombeau d'images, et ils bandent, leurs yeux ouverts injectés de lumières. Et devant la caméra, le miracle a lieu: ils redressent leurs corps fatigués. Ils déplient leurs visages froissés. Ils rassemblent leurs rêves de gloire jamais délités. L'image caresse les os brisés de ces alpinistes malchanceux qui, après avoir dévissé, ont connu la chute de célébrité. Elle zoome sur les vers qui s'agitent en eux: les vers de la soif de reconnaissance. Un tel phénomène surprend. Dans le livre de Delibes, un paysan rappelle donc «les propriétés qu'avaient certaines terres de retarder la