Un film avec Bulle Ogier est toujours un bon film puisqu'il y a
Bulle Ogier. ça ne veut pas dire que Vénus Beauté soit un chef d'oeuvre. C'est un film agréable, transfiguré par l'actrice française la plus émouvante depuis Madeleine Renaud. Même légèreté, même fragilité, même force. Marguerite Duras, qui s'y connaissait en émotion, eut la merveilleuse idée de les faire tourner ensemble dans Des journées entières dans les arbres, à coup sûr l'un des films français les plus beaux et les plus énigmatiques de ces vingt-cinq dernières années. Devant la caméra presque paresseuse de Tonie Marshall, elle transforme son personnage de petite bourgeoise proprette, plutôt mesquine et névrosée, en véritable princesse. Elle évite aussi au film de tomber dans le trivial ou la gaudriole, expulsant de cette histoire de coucheries sentimentales tout excédent de réalisme qui n'aurait pas manqué de plomber l'affaire. Le problème de Tonie Marshall, c'est qu'elle veut filmer des histoires de femmes d'un point de vue d'homme alors que c'est l'inverse (des histoires de mecs vues d'un point de vue féminin) qui manque au cinéma français. Elle se situe à mi-chemin des comédies légères de Gérard Frot-Coutaz (qui avait moins peur du théâtre) et du style post-Demy de Chantal Akerman (qui avait moins peur du cinéma). Hésitant entre café-théâtre et téléfilm, elle n'a pas grand peine à rencontrer le grand public qui se retrouve en terrain de connaissance dans cette petite boutique aux sensations vraies. C