Une ombre et une voix. C'est la première apparition de Peter Lorre à
l'écran, c'était dans M le Maudit de Fritz Lang. Sous les éclairages expressionnistes, on découvrait une silhouette cassée, un teint blafard, des yeux inquiets, en un mot un physique de salaud. Un rôle dans lequel Lorre, obligé de quitter l'Europe pour échapper au nazisme, sera par la suite (presque) toujours cantonné, malgré des talents d'acteur hors du commun. De projets théâtraux prestigieux pour Bertolt Brecht (qui l'adulait) aux séries Z de Hollywood (les sept Mr. Moto, avec Lorre grimé en détective japonais!), la carrière tourmentée de Peter Lorre est retracée dans ce documentaire allemand visiblement tourné pour trois marks et six shillings. Les réalisateurs ont dû se contenter de photos et de courts extraits de seulement cinq films (sur les 80 que le comédien a tournés), mais ils les agencent pertinemment pour former des équivalents visuels à la précarité dont Lorre a été victime. Revanchards, ils en profitent pour dégainer des charges marxisantes (sans doute inspirées par Brecht) sur le processus de «fabrication des films» et «le commerce des individus» pratiqué à Hollywood. Particulièrement sec, voire aride, leur documentaire mérite néanmoins d'être vu pour ses analyses lumineuses des films (M perçu comme «un documentaire sur la dramaturgie du fascisme», la cohabitation du tragique et du comique dans le Faucon maltais) comme du jeu de Lorre: une confusion soigneusement entretenue entre le visage et