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Libération
Critique

Sur un Chardonne ardent. Portrait d'un écrivain agréablement antipathique et paradoxal. «Un siècle d'écrivains: Jacques Chardonne», documentaire de Marie-Dominique Montel. France 3, samedi, 0 h 10.

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publié le 22 avril 2000 à 23h52

Il n'eut pas détesté cela, qui sait, d'être reconnu par quelques

personnes d'aujourd'hui, à Cannes bientôt avec les Destinées sentimentales d'Olivier Assayas, d'après son roman. Sans doute aurait-il décliné l'invite de monter les marches du Palais, lui qui était, comme le dit Michel Déon, l'élégance même, celle qui ne se voit pas, et fustigeait la vulgarité qui dans l'amour nous fait voir l'autre comme un objet. Sans doute aurait-il goûté alors de pondre une maxime paradoxale comme il en aimait («Meurs tout de suite ou arrête-toi de te taire»). Sans doute aurait-il éprouvé un léger frisson, pas une idée, non, une sensation. Le voici ce soir, pour un cours de rattrapage à l'usage de ceux chez qui Jacques Chardonne ne suscite qu'un haussement, au mieux de sourcils, au pis, d'épaules pour cet écrivain que l'épuration littéraire de 1945 n'épargna pas. Dreyfusard dans son enfance, admirateur de Jaurès, ami de Léon Blum, il avait eu l'imbécile idée de participer au voyage à Weimar organisé par les nazis en 1941, et de gober celle d'une nouvelle Europe. Le portrait de Marie-Dominique Montel agacera ceux à qui la bourgeoisie provinciale, le monde d'hier, flanquent la nausée. Peu importe, car le bonhomme est là, filmé en 1966 dans son perchoir d'écrivain. Agréablement antipathique. Il se fichait de plaire. Séduire, oui, mais pas plaire. Maurice Nadeau en témoigne, qui avoue avoir admiré l'écrivain et ne pas aimer l'homme. Son affaire était ailleurs. Dans cette musique incomparable à