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Libération

Après coup. Funérailles.

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publié le 24 avril 2000 à 23h50

Bernard Pivot regarde le vieil oedipe à barbe blanche qui, assis

devant deux petits chiens de bronze, fixe d'un regard aveugle l'oeil mort de l'objectif: «Alors, heureux?» Heureux d'être l'invité unique de Bouillon de culture (France 2)? Heureux d'avoir enfin, à 72 ans, son instant de gloire critique et audiovisuelle? D'échapper à la fosse commune d'images en vrac, d'avoir sa télé-tombe particulière du vendredi soir? L'écrivain François Nourissier répond: «J'ai le sentiment que les gens sont au rendez-vous, cette fois. Ils sont là" à peu près tous là. Pour moi, c'est tout de même une grande victoire.» Au crépuscule, son ombre moyenne s'allonge démesurément, soudain, sous la lumière des spots, et sa vie semble n'avoir eu lieu que pour finir là, dans cette émission fameuse et moribonde. A l'écran, le profil de Nourissier est mis en abyme sans fin, et en noir et blanc, de récepteur en récepteur jusqu'à l'éternité. Tiens! Il serait donc immortel? Jusqu'ici, il était pourtant poussière plutôt que marbre: sur l'étagère des seconds rôles de lettres qu'on aimerait lire s'il n'y en avait pas tant d'autres avant. Il attendait, sur le quai des passions, avec ses valises de talent et d'amour-propre. Il voyait les grands lui passer devant et monter dans les coeurs. Vieux bourgeois un peu sale, cynique, la page un peu tâchée, comme un napperon, avec ses livres vendus par habitude et sa situation. Cette fois, ils vantent tous son livre, A défaut de génie, expliquent qu'il y fait l'inventai