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Libération
Critique

A Great Day in Harlem. Cinétoile, samedi, 15 h 00.

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publié le 29 avril 2000 à 23h41

Faire un film à partir d'une photo est un défi séduisant. L'image:

le fameux cliché composé par Art Kane, en août 1958, pour le magazine Esquire. A 10 heures du matin, au coin de Lennox et de la 125e rue, le photographe débutant convoque tout ce que New York compte alors de grands musiciens. Soixante jazzmen se regroupent peu à peu sur un escalier de Harlem. Pour la première et dernière fois, on voit côte à côte Monk, Griffin, Basie, Gillespie, Young (Lester), Rollins, Mingus, Eldridge, Blakey et autres gros calibres. En 52 minutes, Jean Bach retrace la genèse de ce moment d'exception. Elle dispose d'un film 8 mm couleur qu'ont tourné Mona et Milt Hinton pendant la préparation du cliché, ainsi que de photos prises par les musiciens eux-mêmes. Elle a interviewé les survivants du portrait de famille pour les faire parler des morts. On apprend quels efforts durent être déployés pour faire tenir dans le cadre la troupe indisciplinée. Le film date de 1994. Depuis, quelques-uns des survivants sont passés à leur tour de l'autre côté de la photo. Art Kane est mort en 1995, sans s'être jamais vraiment remis de son «coup». Détail cocasse: le cliché lui avait été commandé par Robert Benton, alors directeur artistique d'Esquire, devenu depuis cinéaste (Kramer contre Kramer, etc.). Il n'est pas sûr que la photo de Kane ait servi le jazz. Peut-être a-t-elle, au contraire, contribué à le vitrifier: ce portrait de groupe ­ voulu, préparé ­ fait surgir comme une dérangeante unité, antinomiqu