J'ai un ami qui confond Besson et Bresson, Luc et Robert. Et cet
ami, c'est moi: moi téléspectateur, après des heures d'images passées entre le grenier de Cannes, le soupirail de 20 heures et la cave d'Arte. J'ai pourtant expliqué à cet ami qu'il n'y avait aucun rapport entre Besson et Bresson. Il m'a répondu que si le second était mort l'année où le premier présidait le Festival de Cannes, c'est qu'il y avait un rapport; que d'ailleurs lui, dans sa télé, aimait voir les deux; que c'était plus fort que lui: il ne pouvait entendre Bresson sans penser à Besson, et vice versa; que leur consonne de différence était un monde, con, mais que lui, téléspectateur sonné par l'image, l'avait depuis longtemps dissoute, confondue dans le trouble va-et-vient du goût, de SON goût. Avec Bresson, me dit-il, on vit encore dans une époque droite, ouverte: le cinéma que Cannes incarne est visiblement lié à la littérature, à la peinture. Il y a dans l'image de Bresson un quant-à-soi et, dans son regard, de la noblesse: une place, un guetteur, un jugement; une immobilité, une réserve. De Bresson à Besson, tout a changé. Le cinéma ne parle plus guère qu'à (de) lui-même, à (de) ses proliférants cousins viraux: la pub, la télé. Le jugement, cette vigie esthétique, cette plus haute tour, a été conquis. Il a fondu dans le goût: le goût des autres, masse molle et consumériste. L'industrie a besoin du goût des autres: de la télé, d'images ivres d'elle-même, de mon ami et moi, en moi. Et elle chasse ce q