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Libération
Critique

L'illumination Tarkovski. Chris Marker initie à l'oeuvre du cinéaste russe. Un vrai cadeau. «Une journée d'Andréi Arsenevitch», documentaire de Chris Marker dans la collection «Cinéma de notre temps», Arte, 23 h 15.

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publié le 17 mai 2000 à 1h12

Chris Marker pose sur l'oeuvre de Tarkovski un regard d'ami et de

cinéaste. Il en résulte un documentaire précieux, une incursion à double détente, affectivement initiée et précisément analytique, dans l'univers «charnel, terrien, mystique» de l'auteur d'Andréi Roublev. Même si le titre choisi fait référence à Soljenitsyne (Une journée d'Ivan Denissovitch), Marker s'éloigne de la dissidence comme moteur de l'oeuvre. Le cinéaste russe est étranger à ce monde, son humanisme raconte le désespoir d'une expulsion, celle de l'homme du sein de la terre (à partir de là peuvent se décliner toutes les pertes: la nature, la mère, la patrie, la foi). Marker a filmé en 1986 les retrouvailles de Tarkovski avec son fils après des années de séparation et la première rencontre entre le cinéaste alité et son Sacrifice en train de se monter. Il était là la même année lors du tournage en Suède du dernier plan de ce film, lors de la dernière prise possible, car la même maison ne peut brûler éternellement, fût-elle un accessoire de cinéma. Les enjeux étaient importants, Tarkovski riait et dans l'image réunissait l'eau et le feu, l'air et la terre. Au film de famille s'ajoute donc un reportage sur la méthode. Dans Solaris, dans le Miroir, dans Nostalghia, ce regard en contre-plongée serait-il celui du christ pantocrator tapi au plafond des basiliques orthodoxes? Pourtant le ciel est vide, le seul absolu reconnu par Tarkovski est celui de l'art. Une évocation concentrationnaire est bien à l'oeuvre