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Libération

Après coup. Feu d'orifice.

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publié le 19 mai 2000 à 1h04

Pour donner Cannes à voir, Canal + avait deux organes de transit: le

coeur, l'estomac. Le coeur recueille, juge, sélectionne, hiérarchise. Il alimente des émissions brèves, pensées, formées. Il a le souci de faire valoir ses choix, peu nombreux, dans un format adapté, et d'oublier le reste. Le coeur aime le cinéma. Canal + a évidemment choisi, une fois encore, l'autre voie: l'estomac. L'estomac accueille, broie et digère indifféremment. A la sortie, cela donne une matière focale tiède, unie, un peu liquide, où le néant égalise tout: la longue silhouette de Gregory Peck et un footballeur vulgaire au crâne rasé, une starlette pornographique et une actrice, une bestiole de plateau télé et Lars Von Trier. L'animateur laxatif, Nagui, est plus à l'aise avec la faune souriante des m'as-tu-vu ordinaires. Les véritables artistes l'inquiètent, le crispent: quelle grimace de vieux singe leur faire, à ces inconnus? Isabelle Giordano, la gentillesse désincarnée, fait semblant d'aimer tout, donc rien. A tout et à tous elle oppose un sourire égal, figé, absent, une vraie gomme à effacer la vie et ses artifices. Mais qu'importe! L'estomac appelle cette télévision-là: elle est son orifice; ce qu'un poète espagnol du Siècle d'or appelait «le troisième oeil», celui qui ne voit rien. Les célèbres? On les voit tous (sauf Björk) et on les oublie tous (sauf Björk). Björk, la poupée-geyser qui dit non. Elle a raison: le cinéma est ailleurs ­ mais où? Sur Canal, on finit par rejeter en bloc les gen