Avec ce sixième film, sorti dans une indifférence quasi générale,
Hal Hartley retrouvait le cap de ses débuts tant aimés (The Unbelievable Truth, Trust Me), redessinait les contours d'un territoire singulier entre Europe et Amérique, entre intimisme et résidus d'un burlesque oublié; un cinéma sans équivalent, sauf à chercher, très éventuellement, du côté de la dérision inquiète et mutique d'un Kaurismaki. Hartley, l'un des rares Américains indé à résister aux sirènes normalisatrices de Hollywood, n'a pas perdu comme on pouvait le craindre le secret de ses fables flottantes qui sécrètent du mystère par brouillage des repères et amour du hasard. Ce qui n'empêche pas Henry Fool de capitaliser souterrainement une maîtrise de sa narration qui lui vaut de trouver progressivement une géométrie joliment harmonieuse. Comme d'habitude, une famille prolo en dysfonctionnement chronique, avec mère ménopausée et suicidaire, fille hystérique et nympho, fils demeuré qui, dès les premières minutes, trouve le moyen de vomir sur les fesses d'une fille au beau milieu d'une supérette. Mélange très au point d'imbécile du village et d'idiot dostoïevskien, Simon Grim, éboueur de son métier, entre en collision (comme on dit entrer en religion) avec un type vaguement louche qui se prétend écrivain (Thomas Jay Ryan en remplacement réussi de Martin Donovan). Le processus qui s'enclenche, celui d'un échange de destins entre les deux hommes, est classique, mais la bizarrerie indécise d'Hartley sème effica