Mais pourquoi diable ce film a-t-il une telle grâce? Dans quelle
mare aux sortilèges René Clément est-il allé plonger sa caméra pour produire un truc pareil? Balayons les évidences. Alain Delon dans ses 24 ans est d'un charme fou: il fait un honnête cousin de James Dean. Le regretté Maurice Ronet est là aussi, équivoque comme à son habitude. Enfin il y a le scénario de Paul Gégauff, adaptation d'un roman de la redoutable Patricia Highsmith. Philippe Greenleaf (Ronet) mène en Italie une vie de riche oisif. Tom Ripley (Delon) est chargé par le père de Greenleaf d'arracher le fiston aux charmes de la péninsule et de le ramener en Amérique. Mais Greenleaf ne veut pas rentrer. Il humilie Ripley, qui est devenu plus ou moins son ami. Si bien que Ripley finit par trucider Greenleaf. Mieux: l'assassin va usurper l'identité de sa victime pour jouir de sa vie dorée. Ce festival d'ambiguïtés se finira de manière très abrupte.
Tout ça est formidable, mais ne suffit pas à expliquer la place singulière qu'occupe Plein Soleil dans le répertoire français. Alors quoi? Un élément de réponse surgit à l'exact milieu du film. Clément envoie Delon se balader sur un marché romain. Scène improbable, filmée caméra à l'épaule dans un registre quasi documentaire, et ponctuée d'inserts sur des gueules de poissons. C'est une minute de bonheur sans réel alibi narratif, avec musique de Nino Rota s'il vous plaît. Peut-être s'agissait-il d'illustrer le mélange de joie (enfin riche!) et de culpabilité (je sui