Douglas Sirk admirait Euripide et Shakespeare. Exilé à Hollywood peu
avant la guerre, cet intellectuel venu du théâtre réalisa, dans les années 50, une série de mélodrames parmi les plus délirants et les plus outranciers du genre, parmi les plus émouvants et les plus beaux, aussi. Si Sirk a pu s'inspirer avec bonheur de la grande littérature (Faulkner, Remarque), il a surtout su transcender les pires romans de gare. Dans ses films, des intrigues qui anticipent Dallas (Ecrit sur du vent) ou rappellent feue Barbara Cartland (Mirage de la vie) accèdent au rang de tragédie grecque sous un Technicolor flamboyant. Sirk est sans doute le cinéaste qui a le mieux démontré à quel point la distance pouvait être courte entre le kitch le plus ringard et l'art le plus sérieux. Tout ce que le ciel permet (1955) en est un magnifique exemple encore que, dans ce film, les couleurs du chef opérateur Russell Metty se fassent plus pastel que d'habitude, les violons de Frank Skinner plus discrets, et le scénario moins hystérique. L'intrigue est digne d'Harlequin: une veuve plus toute jeune et plutôt aisée veut épouser un jardinier encore jeune et plutôt pauvre, contre l'avis de la communauté bourgeoise de sa ville et de ses enfants; le scénario accumule les thèmes les plus mélos (le sacrifice, l'expiation, la réversibilité des fautes); le couple vedette est plus qu'improbable (Jane Wyman, un peu mémère, et Rock Hudson, folle perdue)" Et pourtant, le film, intimiste et délicat, bouleverse à chaq