Cinétoile, 1 h 45. Le mérite de Cinétoile, c'est de balancer sans prévenir de somptueuses rétrospectives. On n'est pas prêt d'oublier la quinzaine de Ford programmés il y a quelques mois. En juin, pas moins de dix films d'Otto Preminger déboulent, venant compléter le joli trio qui réunissait récemment sur 13e Rue les trois chefs-d'oeuvre avec Gene Tierney, signés entre 1944 et 1950, Laura, Whirlpool, Where the Sidewalk Ends. Une douzaine d'années plus tard, le temps de la laisser inexorablement vieillir, Preminger reprendra son actrice favorite dans le terrifiant Tempête à Washington qui bouclera avec In Harm's Way (1965) et Hurry Sundown (1967) cette mini-plongée dans l'univers sadique et glacé de l'un des plus grands cinéastes hollywoodiens. L'un des plus intrigants et des plus inégaux aussi, comme Joseph Losey, avec lequel il a en commun d'avoir perdu ses moyens au milieu des années 60, à l'approche de la soixantaine, même si Losey, lui, a pu faire illusion plus longtemps avec des films bêtement brechtiens comme The Servant, le Messager ou Monsieur Klein.
En revoyant l'Homme au bras d'or, on peut être dérouté par son côté synthétique, cette insistance presque artificielle à assumer la théâtralité du projet. «Saisir et même compromettre un personnage dans son décor», pour reprendre la belle formule de Jacques Lourcelles. Quatre ans avant Comme un torrent, mélodrame sans mièvrerie dans lequel Vincente Minnelli bâtit pour Frank Sinatra une véritable ville à hauteur d'homme, P