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Libération
Critique

Un Américain bien tranquille.

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Un Américain bien tranquille. Cinétoile, 23h40
publié le 27 juin 2000 à 1h56

Cinq ans seulement séparent le Mépris (1963) d'Un Américain bien tranquille (1958). Le temps pour le cinéma de passer à autre chose. Le temps pour Godard d'inventer un postcinéma maniériste et sentimental. On n'a pas assez remarqué ce que le Mépris devait

au chef-d'oeuvre de Mankiewicz, son film à coup sûr le plus bavard, le plus énigmatique, le plus pessimiste. Non seulement Michael Redgrave, comme Piccoli dans le Mépris, y perd lentement

et inexorablement l'amour et l'estime de la femme qu'il aime, mais Godard a repris Georgia Moll, la belle actrice italienne qu'il est de bon goût de préférer à Bardot. Dans Un Américain bien tranquille,

elle joue sans conviction, avec une sorte de sublime indolence, le personnage improbable de Phuong, la jeune Vietnamienne qui vit depuis deux ans avec un journaliste anglais fatigué (Michael Redgrave, qui semble émerger, dix ans après le Secret derrière la porte, du cauchemar que Fritz Lang lui a fait vivre).

L'ami Lourcelles, encore lui, explique tranquillement que si Un Américain bien tranquille est passionnant comme un roman à énigme, ce roman ne contient pas à proprement parler d'énigme:

"Il est lui-même tout entier une énigme." Adaptant le livre de Graham Greene, Mankiewicz garde le décor (Saïgon, 1952), mais il transforme le personnage principal, un agent de la CIA en lutte contre les communistes, en pacifiste

un peu boy-scout, un rôle ambigu idéal pour Audie Murphy, acteur niais et indécidable qui ne s'imposa que parce qu'il était "l'Améri