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Libération

L'oeil écoute

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publié le 6 juillet 2000 à 2h52

Le soir de la finale de l'Euro, dans le sillage télévisé de la victoire française, vingt millions de téléspectateurs voient sur TF1 cette scène muette enveloppée de clameurs: l'entraîneur des Bleus, Roger Lemerre et leur capitaine, Didier Deschamps, ont une discussion violemment amicale, très affective, au milieu de la pelouse. Ils sont dans un lieu public, mais, comme le rappellera Deschamps un peu plus tard au journaliste qui le harcèle, c'est "une conversation privée". Deschamps veut quitter l'équipe de France; Lemerre veut le convaincre de rester; et ces deux hommes, sous nos yeux affamés, parlent comme s'ils étaient seuls: dans l'émotion de l'après-victoire, ils vivent leur huis clos sentimental et ont oublié l'omniprésence des caméras, qui, elles, n'oublient rien. On voit Lemerre prendre Deschamps par les épaules, le prier, battre la mesure de sa conviction. On voit Deschamps nier de la tête, la hocher en tous sens, répondre. On voudrait, instinctivement, savoir lire sur les lèvres. Le lendemain, France 2 et LCI, ayant fait appel à quelques spécialistes du langage des sourds-muets, comblent ce petit voeu barbare et indiscret: ils nous traduisent le dialogue des deux hommes. Il n'est pas question ici d'en reproduire le moindre mot, comme l'ont aussitôt fait certains journaux: ce serait légitimer par l'écrit une manoeuvre de basse police audiovisuelle, et, que l'on sache, inédite. Elle rappelle une scène de 2001, L'odyssée de l'espace, le film de Stanley Kubrick. Dans le