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Libération
Critique

Je t'aime, je t'aime.

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Canal +, dimanche, 6h50.
publié le 2 septembre 2000 à 3h57

Au moment de partir pour l'île déserte, celle où l'on n'emporte que l'essentiel, nous glisserons la cassette de Je t'aime, je t'aime dans notre maigre bagage. Ce film d'Alain Resnais (1968) est généralement considéré comme une «petite» oeuvre du cinéaste. Elle n'est pas d'un abord engageant. La photo, le son et le cadre ne sont pas de première qualité. Le préambule est un peu long : quinze minutes pour nous signifier que Claude Ridder (Claude Rich) vient de rater sa tentative de suicide et que, n'ayant plus rien à perdre, il ne voit pas d'objection à être le premier cobaye humain d'une machine à voyager dans le temps. Claude est envoyé revivre une minute de son passé, le lundi 5 septembre 1966, à 16h03, très exactement.

C'est alors que la machine se met à déconner à pleins tuyaux. La fameuse minute se répète plusieurs fois, puis le cobaye se met à revisiter diverses séquences de son proche passé dans un ordre apparemment aléatoire. L'histoire d'amour qui a acculé Rich au suicide nous est ainsi livrée comme un puzzle. Le film bascule dans un cinéma expérimental extrêmement jouissif. Pourquoi éprouve-t-on tant de plaisir ? Le principe de base qu'adopte Resnais est que la mémoire affective n'est pas chronologique. Il a évidemment raison. Ensuite, le scénario passé au hachoir du montage, coécrit et dialogué par Jacques Sternberg, est un modèle d'ironie froide. Rich et son amante (belle Olga Georges-Picot) ont une liaison vide dans un monde vain, où les horloges semblent grippées.