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Libération
Critique

Proust, Proust, ma chère.

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«Marcel Proust, du côté des lecteurs». Arte, 22 h 05.
publié le 5 septembre 2000 à 3h59

Parce qu'il s'est longtemps couché de bonne heure, des millions de lecteurs se sont couchés tard. Nostalgiques du baiser de leur mère, assommés par le rire de Mme Verdurin, ils ont ensuite reposé à regret, sur leur table de nuit, un univers. Le grand bonheur de la Thema qu'Arte consacre ce soir à Marcel Proust est un document rare, fiévreux, intelligent, signé Thierry Thomas. Avec cette phrase de la Recherche en exergue: «Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même», Thierry Thomas a eu la bonne idée d'aller voir Proust du côté de ses lecteurs. Chez eux, dans leur intérieur, leur intimité. Il leur a laissé le soin de décrire la relation unique qui les unit à l'oeuvre. Proust a les lecteurs qu'il mérite. Sensibles et fins. Comme si le talent de l'écrivain pour décortiquer l'infime, pour le rendre universel les avait touchés... Ils sont peintres, étudiants, physiciens, profs, compositeurs et même patrons de chaîne ­ on croise en effet Jérôme Clément, président d'Arte, qui explique comment le sentiment d'abandon du narrateur de Proust a résonné en lui; comment, lui, dont les grands-parents maternels ont disparu sans laisser de trace, «en fumée dans le ciel», a été touché par cette oeuvre sur la mémoire... Tous ces lecteurs ont ignoré ceux qui disent, sans même l'avoir lu, que Proust, «c'est chiant». Depuis, ils vivent un compagnonnage avec lui, jusqu'à l'obsession. Telle cette lectrice, qui avoue qu'un temps elle avait l'impression de marcher à ses côtés. De