D'avoir trop bu sur des musiques trop sophistiquées d'Henry Mancini, son beau visage siamois s'était un peu chiffonné. Juste ce qu'il fallait pour déchirer le coeur de ses admirateurs. Lee Remick, c'est elle, reste tout au long de Days of Wine and Roses (le Jour du vin et des roses, pourquoi cela sonne-t-il si plat en français ?) inextricablement chinoise, indéfiniment gracieuse, idéalement féline. Gene Tierney et Simone Simon, les deux seules actrices à avoir approché, de loin, sa sensualité de femme léopard, ont eu la chance de rencontrer de grands cinéastes : Lang, Preminger, Sternberg, Mankiewicz, Tourneur, Ophuls, Renoir. Lee Remick, elle, a dû se contenter de deux petits maîtres, Elia Kazan (le Fleuve sauvage, son plus beau film, à elle comme à lui) et surtout Blake Edwards, qui lui donne dans Days of Wine and Roses son rôle le plus insaisissable, le plus indéfinissable, le plus edwardsien en un mot.
Si le couple qu'elle forme avec Montgomery Clift dans le Fleuve sauvage est peut-être le plus lyrique de l'histoire du cinéma (c'était en tout cas le plus beau couple du monde pour Marguerite Duras, qui s'y connaissait en histoires d'amour), le couple d'alcooliques désespérés qu'elle s'invente avec Jack Lemmon (sur un noir et blanc baroque de Philip Lathrop) est à coup sûr l'un des plus déchirants. On ne voit guère que Breakfast at Tiffany's, «l'autre» chef d'oeuvre de Blake Edwards (Audrey Hepburn/George Peppard, sur un Technicolor étrangement érotique de Franz Planer), qu