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Libération
Critique

Racine in extremis

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«Bérénice», Arte, 20 h 40.
publié le 12 septembre 2000 à 4h14

Depardieu a dû dire à TF1 «d'accord» pour les Misérables mais qu'en échange il voulait faire Bérénice avec sa meuf Carole Bouquet qui en rêvait depuis longtemps. Une coproduction s'est montée entre TF1 et Arte, la première payant, la seconde diffusant. L'immortelle pièce de Racine a été peignée mais pas trop, comme ils disent, par Jean-Claude Carrière, et Jean-Daniel Verhaeghe fut chargé de la mise en scène. Dès les prémisses du monologue du malheureux Antiochus, roi de Comagène, impeccablement marmonné par un Jacques Weber correctement funèbre, le sentiment d'une intrusion fâcheuse s'installe. Autour de lui, des tentures de chez Bouchara, des statuaires dignes d'une exposition Pier Import, des portes peintes dans le style Heidi aux alpages et, au sol, une marquetterie en stuc sur laquelle ne cracherait pas la première boîte de nuit venue de Palavas-les-Flots. On n'espérait pas un dénuement à la Straub et Huillet, on n'est pas moins sidéré par ce décor tartement boursoufflé. L'arrivée de la reine de Palestine,

loin de nous rassurer, sème une panique glacée. Carole Bouquet porte une indéfrisable Maniatis, une ceinture à breloques qui même à Cannes ferait pétasse et des boucles d'oreilles de chez Tati Or.

En cette piètre tentative d'orientalisation, décorateurs et costumiers auraient-il mal lu Salammbô de Flaubert ? Qu'à cela ne tienne. Souffles mêlés, Bouquet-Bérénice et Depardieu-Titus prennent leur pied à chaque vers, les habitent avec une aisance et un bonheur si sincères qu