Un cinéma qui ne se fait plus, ne se regarde plus, dont on a déjà oublié les formes, les textures, l'étrangeté, les ralentis et la discontinuité, la forte matérialité, la puissance d'expression. Gavée comme elle l'est de la vitesse et du pseudo-réalisme de l'image à l'américaine, la télé, quand soudain elle se décide à laisser filtrer dans ses interstices tardifs d'autres mondes filmiques, devient subrepticement une sorte d'autel où se recueillir. C'est ce qui se passe avec ce documentaire d'une simplicité exceptionnelle consacré à Sergej Paradjanov (1924-1990): une longue interview du cinéaste arménien entrecoupée d'extraits à tomber par terre de ses films connus et inconnus (Rapsodie ukrainienne, 1960, Une petite fleur sur la pierre, 1962, les Fresques de Kiev, 1966, la Légende de la forteresse de Suram, 1984), une aubaine pour cinéphiles. Malgré le régime stalinien, l'ex-empire soviétique a donné naissance aux cinéastes les plus inspirés, aux plus grands plasticiens de l'histoire du septième art. De la génération de Tarkovski et de Iosseliani succédant à Eisenstein et Dovjenko, Paradjanov fut un artiste étonnamment complet (peintre, musicien, poète, metteur en scène) et un primitif, au sens de quelqu'un qui filmait, comme si personne avant lui ne l'avait fait, d'immenses poèmes lyriques puisés à la source d'un art de l'icône et de l'offrande. Il fut reconnu en Europe en 1964 avec les Chevaux de feu puis, en 1969, avec Sayat Nova, avant que les autorités soviétiques s'empl
Critique
Paradjanov, force simple
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par Isabelle POTEL
publié le 16 septembre 2000 à 4h27
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