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Libération
Critique

Les yeux sans visage

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Cinéclassics, 23 heures.
publié le 29 septembre 2000 à 4h51

Le genre fantastique ne s'est pas particulièrement épanoui dans le cadre du «cinéma français». Raison de plus, s'il fallait une raison de plus, pour rendre à Franju l'importance réelle (historique, artistique, symbolique), qui n'aurait jamais dû cesser d'être la sienne. Cofondateur avec Henri Langlois de cette Cinémathèque française qui allait changer la face du monde, il a élaboré en une poignée de films trop rares un style hypnotique, vacillant entre horreur pure et féerie, atrocités muettes et poésie au bistouri. Le plus bel exemple de cette oscillation pendulaire, c'est évidemment les Yeux sans visage. On est en 1960, Jean-Michel Jarre a moins de 6 ans. Au lieu de surveiller ses devoirs, son père, Maurice, compose une sublime partition hollywoodienne pour ce sommet d'horreur suggérée, dans la lignée du fils de Maurice Tourneur, Jacques. Maurice Tourneur ne s'occupait pas plus de son fils. Lui non plus n'avait pas le temps. Quand les pères s'absentent, les fils ont le choix. Ils deviennent autistes ou artistes. Ces deux-là, avec des réussites artistiques différentes, s'en sont sortis.

Contemporain de Tourneur, Franju est pourtant son disciple. Question de hiérarchie, question de style. Filiation essentielle, hors dates, hors convenances. Quand Pierre Brasseur, merveilleux d'innocence criminelle, trace au crayon gras, sur le doux visage de Juliette Mayniel, les contours d'un masque, quand il découpe la peau au scalpel, la décollant du visage, la peur brûle les enfants/spect