Entre les effets de signature de la Nuit (1961) et les effets baroques du Désert rouge (1964), deux films qui savent se tenir (c’est le minimum syndical pour un styliste), Michelangelo Antonioni signe l’Eclipse (1962), son plus beau film, son seul beau film avec Femmes entre elles (1955, d’après Pavese) et l’étrangement «érotique» Identification d’une femme (1982), seul film un peu bandant du cinéaste de la frigidité unisexe, pas particulièrement porté sur la chose à l’écran (hors caméra, d’après ce qu’on sait, c’est une autre affaire). Impossible histoire d’amour, l’Eclipse est un mélange ébouriffant de vitesse criarde et d’extrême lenteur, avec Alain Delon dans son meilleur rôle, celui d’un agent de change stressé qui ne donne le change à personne. On plonge avec lui, qu’on le veuille ou non, dans l’enfer de la Bourse, caricature à peine forcée, du point de vue antonionien s’entend, d’un monde moderne qu’il exècre. Passant avec brio du roman-photo au portrait d’une femme en quête d’identité, Antonioni invente un univers glacé qui colle impeccablement, pour une fois, aux passions les plus contemporaines.
Mais c'est le couple de l'Eclipse qui en fait le charme un rien alangui. Avec Monica Vitti, Antonioni avait déjà réalisé l'Avventura et la Nuit, que l'Eclipse vient boucler en trilogie noir et blanc à la morbidesse impeccable. Dans ces trois films à la limite du mutisme, Vitti égratigne ses répliques de sa voix brumeuse et désespère ses partenaires avec ses allures de séduct