Sans doute vaut-il mieux n'avoir jamais lu le roman de Georges Bernanos (Nouvelle histoire de Mouchette) ou l'avoir totalement oublié pour apprécier vraiment le film qu'en a tiré Robert Bresson. Toute adaptation est un massacre et celle de Bresson n'échappe pas à la règle. Hormis une courte introduction pour «situer» les personnages, cette adaptation suit pas à pas la trame du roman, mais en n'en gardant qu'une page sur quatre. C'est un squelette. Une épure, préfèrent dire les enthousiastes. «Bresson gomme le tremblé du trait, le détail qui empâte, l'excès de couleur qui éblouit, donc empêche de voir», écrivait Jean-Louis Bory. Pas très gentil pour Bernanos. Mais pas faux en ce qui concerne la démarche du cinéaste. Bresson entreprend de rhabiller son squelette de scénario avec des images simples et froides. Mouchette, épluchée de ses sentiments, devient une énigme. Ses aventures, sans le relief des mots de Bernanos, deviennent assez elliptiques. Ça commence à faire un film. Mais ce n'est plus vraiment Mouchette.
Les images les plus fortes ne sont d'ailleurs pas issues du roman. Comme cette séquence dans les autos tamponneuses que Bresson ajoute au début du film. Comme cette scène de chasse au lapin, vers la fin, à travers laquelle le réalisateur donne un écho aux tourments de Mouchette. On aurait aimé que Bresson multiplie ce genre de libertés. Mais que serait-il resté du livre? C'est bien le problème. Il y a trop
de choses là-dedans. D'abord, évidemment, l'histoire d'une