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Libération
Critique

La Chatte des montagnes

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Arte, 23 h 35.
publié le 19 octobre 2000 à 5h34

1921, c'est un an après le Cabinet du Dr Caligari et, de fait, cette merveille muette plutôt méconnue de Lubitsch ressemble fort à un contrepoint léger aux lourdeurs visionnaires de l'expressionnisme allemand. A l'instar de ce laboratoire incessant que furent les années 20, le cinéaste encore Berlinois se livrait à une fantaisie expérimentale d'une subtile vitalité. Après les fastes pseudo-historiques d'Anne Boleyn, il enfourchait la monture d'un officier digne du baron de Münchhausen et d'une sauvageonne hirsute pour travailler jusqu'au vertige les rapports des corps aux décors. La neige d'un côté, surface plane appelant inscriptions et chorégraphies (accumulation de glissades sur toutes les parties possibles de l'anatomie humaine); une forteresse en stuc d'autre part, se décuplant intérieurement à l'infini de salles, enfilades, labyrinthes, escaliers peuplés d'arabesques décoratives aux perspectives trompeuses (avant-goût d'Entr'acte, de René Clair et Picabia). Comme si ça ne suffisait pas, Lubitsch a inséré au montage de nombreux plans dans des caches aux formes variables et osées qui transforment le film en étrange collage matissien. Outre un talent généreux dans le traitement des foules et des mouvements collectifs, Lubitsch affinait déjà son goût de la variation vibrionnante et de la dérision élégante, passant du monstrueux au délicat sans ambage. Si cette Chatte annonce les musicals qui enivreront plus tard l'Amérique (Busby Berkeley déjà là), c'est encore le matérial