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Libération
Critique

Sollers panégyrise Debord

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«Un siècle d'écrivains: Guy Debord». France 3, 0 h 05.
publié le 19 octobre 2000 à 5h34

Guy Debord est grand et Sollers est son prophète: tel est l'enseignement qu'on peut tirer de l'intoxication mystique que le second, pour Un siècle d'écrivains, a consacrée au premier. L'idée de ce documentaire sur le gourou situationniste ne semble pas de le faire connaître à ceux qui l'ignoreraient, mais de leur prêcher son apocalyptique parole. La sincérité de Sollers n'est pas en cause: il admire Debord; il a écrit dans la Guerre du goût (Folio) un beau et bref texte sur l'auteur de la Société du spectacle, et s'il a taillé son costume dans le cadavre, c'est sans doute pour entretenir une panoplie de héros littéraire en laquelle il croit.

Mais le texte est une chose, et l'image en est une autre: Sollers et son réalisateur, Emmanuel Descombes, la manipulent maladroitement. L'analyse des deux premières minutes résume cette pachydermie. Premier plan: zoom sur la page blanche d'un cahier d'écolier, style Clairefontaine. Message: Debord est un classique, un type qui a du style et qui écrivait à la main. Bruit de fond: pas de salariés dans le métro et grincements de rames. Fondu enchaîné: une main crispée sur une perche dans un wagon, puis des passagers glauques. Message: nous vivons dans une société de zombies anesthésiés par la mise en spectacle du monde.

Noire genèse : en off, la voix du prophète récite d'un ton monocorde les mots issus de sa bible, qui, comme chacun devrait déjà le savoir, date de 1967. Premières phrases, donc, de la Société du spectacle: «Toute la vie des so