Il s'y connaissait en matière d'honneur perdu et de larmes amères, question désespoir froid et avilissement sans appel. Il fut l'ogre génial du cinéma allemand de l'après-guerre, il demeure le cinéaste européen le plus nécessaire, celui dont les films dispensent encore une rage vitale, généreuse et destructrice. Nul autre comme lui n'a rendu visible l'asservissement au coeur des relations humaines, la dimension prédatrice des rapports amoureux. Ce Mariage de Maria Braun, qui commence sous les bombes et s'achève par une explosion au gaz, assura la notoriété internationale de l'auteur et de son égérie favorite, Hanna Schygulla, qui ne fut jamais aussi belle. Le film appartient à une trilogie (avec Lili Marleen et Lola, une femme allemande) dans laquelle Fassbinder, en alchimiste fou, opérait la fusion du corps féminin et du corps de l'Allemagne, dans le cadre d'une réflexion spectrale sur le passé-présent de son pays. Maria Braun est à l'intersection du désir et de l'instinct de possession de plusieurs hommes (mari, amant, patron), dans un pays qui s'empresse de refouler sa défaite militaire et sa culpabilité sous les oripeaux cousus à la va-vite du miracle économique. Tout à sa fierté d'avoir assuré brillamment son avenir, Maria Braun fera l'erreur de croire que c'est elle qui distribue les cartes, ignorant, mais ayant tout fait pour, qu'elle fait l'objet d'une transaction contractuelle sordide, ce qui chez Fassbinder est un pléonasme. Telle est prise qui croyait prendre, ven
Critique
Le Mariage de Maria Braun
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par Isabelle POTEL
publié le 30 octobre 2000 à 5h57
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