Quand il entreprend le tournage de Nuits blanches, en 1956, Luchino Visconti veut montrer aux producteurs et aux spectateurs italiens qu'il est capable de réaliser un film modeste dans les délais et le (petit) budget prévu. Malgré l'apparente humilité de ce projet, il serait erroné d'y voir un film mineur du cinéaste italien. Deux ans après Senso, superproduction en costumes historiques, ces touchantes Nuits blanches consacrent la rupture définitive de Visconti avec le néoréalisme dont il fut l'un des initiateurs.
En transposant une nouvelle de Dostoïevski dans l'Italie de l'après-Seconde Guerre mondiale, Visconti l'aristocrate marxiste réalise un éloge du métissage généralisé. Il réussit l'alliance supposée contre-nature du naturalisme (le quotidien sordide du héros, Mario) et de l'onirisme (les rêves et les idéaux de la jeune fille), et, au-delà, du théâtre et du cinéma. Les canaux de Saint-Pétersbourg deviennent ceux de la Venezia de Livourne, reconstituée dans les studios de Cinecittá. Les rues étroites et sombres, les petits ponts enneigés, tout ici évoque un décor de théâtre, jusqu'aux kilomètres de tulle utilisés par le cinéaste pour obtenir, comme sur une scène, une impression de brouillard persistant. Comme l'a expliqué Visconti à son chef opérateur, Giuseppe Rotunno, il fallait que «tout soit comme si c'était artificiel, faux», mais quand on avait «l'impression que c'était faux, ça devait être comme si c'était vrai» (1).
Ce jeu entre la réalité et l'illusion, ce méla