Mardi 31 octobre vers 9 heures,
le chimiquier Ievoli Sun se retourne avant de sombrer par 70 mètres de fond. On a beau dire et savoir, c'est une image qui fait aussi rêvasser. Est-ce le tourbillon qui évoque des maelströms autrement primitifs? Ou cet aspect de baleine insaisissable, Moby Dick d'acier au moment de plonger? Ou encore, un cran de fiction en plus, que toute image de naufrage cite le naufrage le plus romancé du siècle passé, celui du Titanic.Et puis aussi cette idée que n'importe quelle catastrophe, naturelle ou en l'occurrence humaine, qu'elle soit mineure (grève du métro, la meilleure façon de marcher) ou majeure (Tchernobyl, tous aux abris!), arrose le jardin secret de nos envies de dérèglement.
D'autant que dans cette triste affaire, les noms de l'accident ne collent pas avec l'idée qu'on se fait d'une tragédie. D'abord, cet Ievoli Sun qui laisse présager quelque coucher de soleil magnifique sur une île méditerranéenne, même si le réel, briseur de rêves notoire, nous informe que Ievoli est le nom de l'armateur napolitain Domenico Ievoli, qui, en toute modestie, a donné son nom aux trente navires de sa flotte. Ce qui fait à peu près le même effet que styrène, que jusqu'alors on ne connaissait que poly-, et qui sonne comme le patronyme d'un pâtre mythologique. Et que penser des farces sémantiques faites aux événements, quand on apprend que l'aviso posté sur les lieux de l'engloutissement s'appelle Lavallée et que le patrouilleur qui a l'oeil sur le moindre signe