Ainsi donc, sur d'autres rives, Gore et Bush jouent au jeu du plus idiot, histoire de coller au plus près du plus petit électeur commun, à coups de talk-shows et de quiz TV (Gore: «Vous êtes plutôt cuir ou plutôt dentelles?»). En France, rien de tel. Bon sang, quel pays! Dans Vivement dimanche, sur France 2, elle était là, éclatante, unique, supérieure, elle s'étalait, l'exception française. Pas question de parler lingerie, François Bayrou avait mieux. Face à Drucker, qualité française garantie, face à Geluck, le petit Belge adopté par la grandeur d'âme de la France, face à Miller, le si gaulois râleur, Bayrou nous fit un aveu: «Des années, sur la route, je récitais des poèmes», et des longs, en plus, précisa le lettré. Et voilà-t-y pas que le candidat à l'Elysée qui se déclare sans se déclarer tout en disant qu'il se déclarera (citation exacte: «Je n'ai pas dit que je le dirais aujourd'hui», super) se lança dans la récitation d'une fable de La Fontaine: le Chat, la Belette et le Petit Lapin. OK, le ton était un peu martial, ça sentait le pilotage automatique, sans chaleur ni sentiment, mais, dans le public, ils étaient soufflés. Tout sourires, Bayrou avalait les vers. Un, deux, c'est parti. «Du palais d'un jeune lapin/ Dame belette, un beau matin/ S'empara: c'est une rusée...» Une minute comme ça. Drucker pavoisait. Miller soutenait. Geluck admirait. On regardait ça comme on observe un prestidigitateur faire son tour, plus intrigué, au fond, par son savoir-faire que par le
Bayrou, Drucker et la belette
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par David DUFRESNE
publié le 7 novembre 2000 à 6h16
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