Menu
Libération

Psychose

Article réservé aux abonnés
publié le 8 novembre 2000 à 6h18

Arnaud a 19 ans. Et il n'a plus que ça. Arnaud est un «légume», pleure sa mère. Arnaud est grabataire, squelettique, incontinent. Des sondes le nourrissent, et ses parents le tiennent à bout de bras, de son lit au canapé, de son mutisme à son inertie, de sa vie à sa mort annoncée. Pas de nom de famille, pas de lieu, juste une maison «quelque part en France», un père, une mère, une soeur, un fils et ça: l'horreur de Creutzfeldt-Jakob. Les parents sont seuls et révoltés. Sur M6, lundi soir, ils racontent. «C'est la première chose qu'on nous a dit. De ne pas ébruiter, de ne pas faire peur aux gens.» Dignes et tourmentés, ils parlent du «poids de l'argent», de leur isolement, des promesses d'aides non tenues, d'Arnaud, qui «n'arrêtait pas de parler de la maladie de la vache folle», qui disait: «Je deviens fou, j'ai la maladie.» Au-dessus de son lit, de la science-fiction: un poster de la Guerre des étoiles. Dans son matelas de coussins, une réalité: la maladie qui s'est développée en quatorze mois, le vide absolu et l'impossible communication: «On ne sait pas ce qu'il pense, s'il a conscience ou pas de sa maladie.» Ses parents évoquent aussi ses habitudes au fast-food, et puis l'embrassent, et l'embrassent encore: «Il a dû nous voir, il a fait un sourire. Mais on ne sait pas s'il nous comprend.» Voilà. Arnaud est probablement le troisième cas connu de malade atteint de la variante de l'ESB en France. En une poignée de secondes,

il vient d'incarner nos peurs. Lui, c'est nous. Impo