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Libération
Critique

Décoloniser les têtes

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«Kanaky, paroles de femmes». Planète 2, 11 h.
publié le 14 novembre 2000 à 6h33

Emma, la cinquantaine, pêcheur professionnel, se laisse glisser de son petit bateau dans l'eau turquoise du lagon calédonien pour poser son filet. Nathalie, vingt ans à peine, seule femme parmi les 80 ouvriers de la mine de nickel de Poum, conduit son camion sur la route poussiéreuse qui serpente entre les collines ocres et pelées du nord de la grande île. Marie-Claire, première femme pasteur de son peuple, raconte ses cours de théologie suivis en cachette... Pour une fois, c'est aux femmes kanak qu'un documentaire donne la parole pour illustrer la marche de ce peuple, colonisé depuis cent cinquante ans par la France, vers une future indépendance. Réalisé en 1997, ce documentaire se situe dans la perspective du référendum qui, en vertu des accords de Matignon conclus en 1998, devait avoir lieu l'année suivante en Nouvelle-Calédonie sur la question de l'émancipation.

Dans les mots de ces femmes, d'âges et de milieux socioculturels variés, on entend le désir, l'impatience d'«être libre», comme le dit Déwé Gorodé, poétesse kanake, militante de l'indépendance et enseignante de français. On perçoit aussi une inquiétude sertie de lucidité lorsqu'une femme de Lifou rappelle que sur son île, il n'y a encore qu'un médecin, pas d'avocat ni d'usine. Mais, pour chacune, et quel que soit son sentiment face à l'indépendance de l'archipel, le changement est en marche.

Elles ont cherché, trouvé, inventé un travail salarié, bravant parfois la coutume, histoire de démontrer que la Kanaky sera v