Cinquième long métrage de David Cronenberg, Scanners (1980) offre le spectacle d'un vulgaire film de série B en train de se métamorphoser, plan après plan, en petit chef-d'oeuvre d'un cinéaste dont on sait désormais qu'il figure parmi les plus importants. Tourné à Toronto dans une improvisation totale, l'opus, à première vue, se contente d'annoncer avec quinze ans d'avance les complots science-fictionnesques et confus d'X-Files. Mais les thématiques corporelles et pulsionnelles de Cronenberg sont déjà en pleine fusion et débordent le cadre étroit du genre.
Cette fois, l'organe exorbitant qui prend le pouvoir du corps et de la fiction n'est autre que le cerveau et son système nerveux, le film fonctionnant comme la métaphore précoce de toute l'oeuvre à venir, laquelle relève le défi d'une représentation non séparée de l'esprit et de la chair, de l'intellect et des viscères.
Les «scanners» sont des êtres doués de pouvoirs télépathiques, extrêmement puissants et dangereux, qu'un docteur en pharmacie n'ayant pas la conscience tranquille s'est donné pour mission d'éradiquer. La scène clé du film donne lieu à l'explosion hallucinante d'une tête soumise à trop forte pression, figure inaugurale d'une suite de torsions et de déformations faciales en connivence avec la peinture de Bacon. Ayant affirmé sa suprématie sur les humains «normaux», le scanner s'attaque ensuite à l'intelligence artificielle au cours d'un mano a mano tonitruant avec un ordinateur, puis affronte son semblable au c