L'une des figures impossibles du cinéma, c'est la mère.
Le cinéma est une histoire d'hommes (les pères, les fils) et de femmes (les amoureuses, les salopes, les saintes), le plus souvent séparés par des accidents de la fiction (comme on dit «accidents de la route»). On parle ici de cinéma, hein, pas de guimauves filmées au ralenti sur des musiques rétros. Les mères, il y en a chez Ozu, chez Ford, chez Sirk, pour prendre trois beaux exemples. Ford ne s'y est pas souvent essayé mais quand il a osé (les Raisins de la colère), l'émotion débordait tellement que Fonda ne pouvait même pas embrasser Jane Darwell, sa grosse maman. Si Fonda avait osé, si Ford avait osé, on aurait pleuré des larmes de sang, et tout le monde sait que pleurer des larmes de sang, même dans le noir, ça ne se fait pas. Chez Ozu, c'est simple, il n'y a que des mères. Tout le reste relève de la figuration, de l'accessoire. D'ailleurs, Ozu ne s'est jamais éloigné dans la vraie vie de sa vraie mère. Dès qu'elle est morte, il s'est mis à mourir lui aussi.
La plus belle mère du cinéma, c'est la grosse maman noire de Mirage de la vie, celle qui fait honte à sa fille blanche.
On devrait toujours avoir honte de sa mère. ça prouve au moins qu'on ne s'est pas trompé de mère, que c'est la bonne et qu'on est toujours trop grand pour l'aimer, que c'est toujours trop tard. Fassbinder, sans chercher particulièrement à parler d'une mère dans Maman Küsters s'en va au ciel, ne parle que de ça. C'est le propre des grands films, d