Pourquoi s'attarder sur un mauvais Fassbinder ? C'est que la problématique de Roulette chinoise et de tous les films de Fassbinder ne relève ni de la réussite ni du ratage. Qui pourrait dire, par exemple, que Lili Marleen est un succès et Querelle un échec ? Voici un cinéaste qui a passé sa vie à scier la branche sur laquelle il est perché, une branche qu'on persiste encore à appeler ici et là «le cinéma». L'ami Lourcelles, par exemple, croit qu'il n'y a chez Fassbinder qu'un ramassis d'idées reçues. Pour lui, ce cinéma ne met en scène que des victimes. «Où sont les exploiteurs et les bourreaux ?», va-t-il jusqu'à demander, sans se rendre compte qu'il a la réponse à la bouche : «Le bourreau, c'est toujours l'autre.» En fait, l'amoureux de Losey qu'est Lourcelles ne se rend pas compte que Fassbinder, en bon brechtien, est étrangement proche des premiers films de l'auteur de l'Enfant aux cheveux verts. Avec une différence de taille. L'un est styliste, l'autre pas. Mieux : Fassbinder n'est important, d'une importance qui ira grandissant, que par son mépris souverain du style. Seuls comptent pour lui deux ou trois idées, un ou deux sentiments, à balancer d'urgence à la face d'un monde incrédule qui ne sait pas que le cauchemar a déjà commencé. Trop tard pour faire de l'art, trop tard pour faire des films, juste le temps de regarder une victime en position difficile, quand elle se repoudre le nez, et un ami qui se déshabille. La victime et l'ami, c'est souvent une seule et mê
Critique
Roulette chinoise
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par Louis Skorecki
publié le 27 novembre 2000 à 7h06
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