C'est un univers cinématographique. Aquatique et crépusculaire. Miroirs, couloirs, carrelages et néons. C'est une façon originale d'aborder l'exclusion. A bras le corps et sans misérabilisme. Didier Cros a eu la bonne idée de planter sa caméra dans deux des dix-neuf
bains-douches de Paris. Il a filmé au plus près les visages, les gestes, les pudeurs d'hommes et de femmes en situation précaire, qui mettent un point d'honneur à rester propres. Un combat, de tous les jours, pour des gens relégués hors du temps. Parfois le visiteur se présente à la caisse sans bagages, pour qu'on ne puisse soupçonner sa déchéance... Tous viennent «parce qu'ici on réfléchit mieux». Que l'eau a cette vertu particulière de vous laver la tête. Certains ont leurs petites habitudes. Restent trois heures sous le jet. D'autres se douchent tout habillés. N'ont pas de vêtements de rechange et utilisent leur chaussette comme gant de toilette. Sublimés par l'oeil de Didier Cros, voilà des parcours, des silhouettes, qu'on aura du mal à oublier. Ainsi, cette femme, sorte de Gena Rowland de la rue, qui, lentement, coiffe ses cheveux devant la glace. Redevient belle, lumineuse et entière dans son mystère. On ne saura rien de ce qui l'a brisée. Il y a aussi cet homme maquillé en Mylène Farmer, qui se rase les jambes. Soudain, comme effrayé par son audace, il demande la permission de dénouer sa chevelure rousse devant la caméra.
Et puis, il y a aussi des phrases qui restent: «E-x-c-l-u... tout est dit en cinq lettr