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Libération
Critique

Jazz et rock éclairent Shakespeare

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«Le Conte d'hiver». Arte, 21 h 40.
publié le 29 novembre 2000 à 7h15

Il y a trois ans, l'annonce que Philippe Boesmans, le compositeur contemporain belge, travaillait à un opéra d'après Shakespeare pouvait étonner. En choisissant le Conte d'hiver, le raffiné Boesmans restait en fait dans ses cordes. Il pouvait laisser toute latitude à son esprit, très Renaissance, pour traduire les différents registres de la pièce, découpée au scalpel par Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger, auteurs du livret et des dialogues. Comment chanter la plongée dans l'abîme autodestructeur du doute, de la jalousie et de la paranoïa de Léontès, roi de Sicile, et la douleur de son épouse, Hermione? Comment passer de la tragédie à l'idylle de conte de fées entre Perdita, la fille de Léontès, et Florizel, fils de Polixène, le roi de Bohême accusé par Léontès d'être l'amant de sa femme? Dans la Sicile de verre du décorateur Erich Wonder, la partition libre, souple et naturelle de Boesmans file à grande vitesse, fuse de mille trouvailles inspirées aussi bien de Monteverdi, Berg et Debussy que de Radiohead, et va jusqu'à accueillir en son sein l'improvisation jazz du trio Aka Moon et du chanteur rock Chris Dane. Capté lors de sa création il y a un an au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, l'opéra de Boesmans est servi par un orchestre maison virtuose dirigé par Antonio Pappano, qui passe en quelques mesures du modal à l'atonal puis au postromantique. Fable océanique sur le triomphe du temps, ce Conte d'hiver si lumineusement mis en scène par Luc Bondy est un enchantemen