«C'est étonnant d'entrer ainsi dans les entrailles de la procédure judiciaire. Finalement, je comprends mal cette interdiction de filmer et surtout de diffuser les procès. Après tout, ils sont publics, et Barbie, Touvier ou Papon ne sont pas des procès ordinaires. N'est-ce pas contradictoire avec le fait que la justice se veut transparente?
«Dans les archives, on garde bien le dossier d'instruction, qui est la partie cachée au public pendant le procès. Mais on ne conserve aucune trace du procès lui-même. Ces images sont d'autant plus précieuses. Ce procès a évidemment un caractère documentaire par rapport à la guerre et à l'Occupation, mais aussi par rapport à la fin de ces années 80. Voilà comment on jugeait, comment on parlait, comment on expertisait...
«Il y a une dizaine d'années, dans le cadre d'un programme élaboré par l'université de Yale, j'avais commencé une longue série d'interviews d'anciens déportés pour des archives. L'idée qui présidait au filmage était de couper le témoin de toute source extérieure de distraction, de le placer dans un studio, donc, et de poser un minimum de questions. La parole devait être libératrice tout en étant très accompagnée.
«Comme nos témoins, ceux du procès Barbie n'ont visiblement pas besoin d'être relancés, ils parlent d'une traite. C'est étonnant, d'ailleurs, ce temps des témoignages qui, par cette diffusion du procès, rétablit du temps réel à la télévision. On voit enfin des gens dans la continuité de leur histoire. Et puis les témo