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Libération
Critique

Le Samouraï

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13e Rue, 20 h 50.
publié le 7 décembre 2000 à 7h39

Melville est devenu un nom de code pour cinéastes paresseux, tous ces chorégraphes du verbe et des sentiments qui filment des éphèbes abrutis pour des générations d'abrutis à venir, les Woo, Tarantino, Wong Kar-wai, qu'on hisse à grand-peine au rang de grands maîtres avant de les abandonner à leur sort, celui de fabricants de frites qui parlent. Ces surdoués de l'école Scorsese, l'école du néant, ont un point commun avec Melville: le pays qu'ils habitent est le cinéma, tout le cinéma, rien que le cinéma. Sauf que. Du temps de Melville, la régression cinéphilique (vers les films noirs des années 30, par exemple) tenait lieu de cage à oiseaux, de fétiche et de sonnette d'alarme à la fois, comme dans le Samouraï précisément.

Le Samouraï est le plus «vendable» des Melville, le plus stylisé, le plus artificiel. Tout son petit monde est là, dans cette inquiétude en chambre. Sauf que. Imaginez que Jean-Pierre Melville n'ait fait que ça, il ne serait qu'un Valerio Zurlini, un filmeur éméché de jeunes garçons sur le retour, amoureux de ses personnages comme autant de reflets dans un miroir, un miroir ébréché juste ce qu'il faut.

Quelle est la différence entre le Professeur (1972, Zurlini) et le Samouraï (1967, Melville)? Dans les deux films, le «héros» est Alain Delon. Dans les deux films, c'est une sorte de personnage en creux, un homme trop beau que la caméra gomme peu à peu, efface progressivement de l'écran. Mais Zurlini parle de jeunesse et d'amour, il ne s'intéresse qu'à ça. Pour